La méthodologie et ses lignes directrices sont le fruit du travail de l’UICN et les informations présentées ci-dessous sont issues du Guide pratique pour la réalisation de Listes rouges régionales des espèces menacées.

Concevoir une liste rouge est un processus long et complexe. Pour guider au mieux la réalisation du projet, l’UICN a publié un guide dans lequel la méthodologie et la démarche d’élaboration sont expliquées avec précision. Ce guide, disponible au téléchargement, est un outil précieux et dont cette page tend à résumer les points d’intérêt majeur pour votre information.

Notions clés

Les catégories

Mesurer la menace pesant sur une espèce requiert de déterminer des échelons de menace d’intensités croissantes. 11 catégories, décrites ci-dessous, permettent ainsi de qualifier objectivement le risque d’extinction d’une espèce ou sous-espèce à l’échelle d’un territoire donné. Parmi elles, En danger critique (CR), En danger (EN) et Vulnérable (VU), constituent le groupe des espèces menacées.

Les catégories d’une Liste rouge *

Pour classifier les espèces, cinq critères d’évaluation (A à E), reposant sur des facteurs quantitatifs tels que la taille de la population ou la superficie de son aire de répartition, interviennent. Il arrive que selon l’espèce, certains critères ne peuvent être documentés. Afin de maximiser l’applicabilité de la méthodologie à tout groupe taxonomique, seul un critère se doit d’être rempli pour conclure quant à l’appartenance d’une espèce à l’une des trois catégories du groupe « menacé ». Ainsi, si un critère est difficilement renseignable, l’évaluation peut reposer sur les critères restants.

Les 5 critères d’une Liste rouge *

A

Déclin de la population

B

Aire de répartition réduite

C

Petite population et déclin

D

Très petite population

E

Analyse quantitative

L’échelle d’évaluation

Si le processus d’élaboration est en principe applicable à toute échelle géographique, il est cependant conseillé de ne pas l’appliquer à des zones d’aires restreintes. En effet, la forte variabilité spatiale et temporelle des espèces s’y exerçant ne permet pas de conclure avec fiabilité du risque réel de disparition de l’espèce considérée. Ainsi, il est fortement déconseillé de conduire des évaluations à l’échelle départementale. Cependant, la méthodologie est applicable aux échelles nationale et régionales avec de légères adaptations.

L’approche partenariale

L’intérêt de cette approche réside dans sa capacité à attribuer à la Liste Rouge une reconnaissance et une fiabilité tout en lui associant un caractère collaboratif. Sont et doivent ainsi être exclusivement associés les organismes disposant d’une expertise ou de données fiables sur les espèces évaluées.

L’évaluation collégiale

Elle consiste en la prise en compte des avis de plusieurs experts, spécialistes du groupe taxonomique évalué, pouvant venir d’horizons variés.

Plusieurs étapes échelonnent l’élaboration d’une liste rouge régionale. Clique sur chacune d’entre elles pour en découvrir davantage !

1 – La mise en place et le cadrage du projet

La première étape consiste à identifier un coordinateur, le porteur du projet qui peut être une structure ou un groupe de personnes. Il a plusieurs responsabilités. Il organise le projet, de sa définition jusqu’à la publication des résultats et s’assure de disposer des fonds nécessaires pour assurer la conduite de la liste rouge. Il doit également identifier les experts à associer au comité d’évaluation, mobiliser les organismes partenaires et répartir les tâches : synthèse des données, pré-évaluations, publications des résultats…

Il est par ailleurs vivement conseillé d’associer les structures régionales susceptibles d’utiliser les résultats et qui pourrait apporter un soutien au projet. Dans les Hauts-de-France, la DREAL, le Conseil régional et les 5 Conseils départementaux sont souvent associés aux projets d’élaboration de Listes rouges.

Dans le cadre de la Gouvernance Régionale de la Biodiversité, la DREAL Hauts-de-France intervient comme pilote et s’assure de la conduite effective de démarches d’élaboration de Listes rouges. Elle planifie et organise la répartition des Listes rouges entre des coordonnateurs qu’elle identifie.

Suite à la fusion des régions, un comité de coordination a permis de valider l’organisation de la conduite des listes rouges et a sélectionné les divers coordinateurs. Un calendrier de mise en œuvre fut aussi établi et résume :

¤ les groupes taxonomiques à évaluer

¤ les groupes taxonomiques déjà évaluées et dont la Liste rouge doit être actualisée

¤ les dates d’évaluation et de publication des futures Listes rouges

¤ les dates d’évaluation et de publication des Listes Rouges antérieures et toujours effectives

¤ les structures coordinatrices chargées de l’élaboration de chacune des Listes rouges :

¤ Picardie Nature

¤ Groupement Ornithologique et naturaliste du Nord

¤ Association régionale de pêche Hauts-de-France

Picardie Nature
Groupement ornithologique et naturaliste du Nord
Association régionale de pêche Hauts-de-France

Conservatoire Botanique National de Bailleul

CBNBL

Société Mycologique du Nord de la France

Société Mycologique du Nord de la France

Avant la fusion des régions, le GON et Picardie Nature pilotaient la conduite des Listes rouges sur les territoires du Nord-Pas-de Calais et de la Picardie. La conduite de l’élaboration des Listes rouges Hauts-de-France leur a donc été confiée en vue de leurs expertises et de leurs données. L’association régionale de pêche créé en 2016 est la structure la plus à même de piloter les listes rouges sur les espèces des milieux aquatiques.

2 – L’identification des espèces soumises à évaluation

Il est recommandé d’établir des listes rouges sur l’ensemble des espèces d’un groupe taxonomique ou fonctionnel ** donné, y compris celles n’étant pas a priori menacées. Pour cela il est conseillé de s’aider d’une « liste de référence des espèces, fondée sur un référentiel taxonomique commun » * et d’un catalogue régional de référence. Le référentiel taxonomique national (TAXREF) est disponible en ligne  sur le site de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel.

Le groupe identifié, il est alors nécessaire d’en lister toutes les espèces dont la présence est connue dans le milieu naturel régional. A cette liste peuvent être ajoutées des sous-espèces ou variétés particulières dont l’intérêt justifie leur évaluation.

Pour autant, la présence dans le milieu naturel de ces espèces (sous-espèces ou variétés) n’implique pas qu’elles fassent l’objet d’une évaluation. Doivent ainsi être exclues du processus, les espèces introduites et les espèces erratiques pour lesquelles la méthodologie ne s’applique pas.

L’UICN donne aussi la possibilité d’écarter des espèces dont la population régionale ne représente qu’une part « jugée non-significative des effectifs européens ou mondiaux » *.

Ces espèces, ainsi que celles introduites et erratiques appartiennent à la catégorie Non Applicable (NA). Elles sont définies et identifiées selon des critères et une démarche présentés dans le guide.

3 – La synthèse des données et les pré-évaluations

Il est question de collecter et de préparer l’ensemble des données nécessaires pour les évaluations.

Doivent être rassemblées dans la mesure du possible :

¤ l’ensemble des données, passées, présentes et futures, qui traduisent la situation actuelle de l’espèce dans la région

¤ l’ensemble des données passées qui exposent la situation de l’espèce dans un passé proche (~10 dernières années)

¤ les données qui informent sur les possibilités d’échanges entre populations régionales et populations limitrophes en intégrant notamment leur état de conservation sur ces territoires

Les experts peuvent décider de considérer d’autres informations si elles leur semblent suffisamment étayées.

Ces informations sont pour la plupart quantitatives et exprimées selon des ordres de grandeur. Les données brutes sont étudiées et affinées par les experts identifiés jusqu’à ce qu’elles reflètent la situation la plus juste de l’espèce dans la région. Les données peuvent ainsi faire l’objet de plusieurs estimations sur la base d’informations complémentaires et de l’avis des experts. Les données affinées, validées et rassemblées dans une fiche synthétique, sont ensuite confrontées aux seuils de la méthodologie pour en déterminer la catégorie correspondante.

Cette pré-évaluation s’effectue en deux étapes :

1

Cette étape consiste à réaliser une évaluation initiale  afin de parvenir à une catégorisation de chacune des espèces étudiées. Pour cela, une grille d’évaluation a été rédigée par l’UICN et est en libre consultation. Les données régionales validées sont comparées aux seuils et critères d’évaluation. Une catégorie initiale est ainsi proposée. Néanmoins, du fait que cette évaluation ne porte que sur la population régionale et ne prend pas en compte ses interactions avec les populations extérieures à la zone étudiée, elle peut conclure en un risque de disparition de l’espèce non fidèle à la réalité.

2

Cette étape intègre l’influence potentielle des populations situées à l’extérieur de la région étudiée pour prévenir une sur- ou sous-estimation du risque réel de disparition de l’espèce. Elle permet ainsi d’ ajuster la catégorie initiale. Le niveau de catégorisation de l’espèce peut ainsi être revu à la hausse ou à la baisse.

Données à réunir par espèce

En vue de l’évaluation, les données décrites dans ce tableau doivent être réunies dans la mesure des informations disponibles

NomNom scientifique
Nom commun
Données brutes (actuelles et passées)Nombre d'individus matures
Aire de répartition régionale de l'espèce, accompagnée si possible d'une cartographie
Nombre de stations, de mailles ou de communes où l'espèce est présente
Données élaborées pour l'évaluationZone d’occurrence mesurée ou estimée
Zone d’occupation mesurée ou estimée
Nombre de localités identifiées
Existence ou non d'un déclin continu de l'espèce
Réduction de la taille de la population (estimée sur 10 ans ou trois générations, selon la plus longue des deux périodes)
Autres informationsExistence ou non d'une fragmentation sévère
Existence ou non de fluctuations extrêmes
Tendance d'évolution de l'habitat
Menaces pesant sur l'espèce
Informations sur les possibilités d'immigrationPossibilités d'immigration de propagules en provenance des régions limitrophes
Etat des populations extra-régionales

Source. Guide pratique pour la réalisation de Listes rouges régionales des espèces menacées. Méthodologie de l’UICN & démarche d’élaboration, UICN Comité français

4 – La mise à disposition des données et des pré-évaluations

La synthèse des données et les catégories proposées lors des pré-évaluations sont transmises aux experts pour compléments, corrections et avis selon le principe de l’approche partenariale.

5 – L’évaluation et la validation par un comité d’évaluation

Ce comité est composé d’experts et d’un ou de deux évaluateurs neutres, identifiés lors du cadrage du projet. Ces derniers veillent à l’application objective de la méthodologie ainsi qu’à la cohérence et à l’animation des évaluations. Le comité a pour fonction de s’assurer de la validité des données utilisées, de l’application de la méthodologie de l’UICN et de la juste catégorisation des espèces. A la fin de la séance, le comité doit avoir attribué et validé une catégorie pour chaque espèce.

6 – La finalisation des documents de résultats

Lorsque les catégories ont été attribuées et validées, elles sont alors intégrées dans les fiches de synthèse de même que les données et critères validés par les experts. Enfin, un tableau rappelant l’ensemble des résultats est réalisé.

7 – La labellisation de la méthodologie et de la démarche d’évaluation

La liste rouge régionale peut ensuite faire l’objet d’une labellisation par le Comité français de l’UICN. Si la labellisation est facultative, elle est néanmoins indispensable à l’intégration de la Liste rouge régionale à la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN.

Sous réserve d’un certain nombre de critères, la méthodologie et la démarche mises en œuvre pour l’élaboration de la liste rouge peut se voir attribuer un avis favorable du Comité à l’attention du Conseil Scientifique régional du patrimoine naturel. Cet avis fait office de labellisation si tant est que le CSRPN valide le travail réalisé. Une mention et un visuel transmis par l’UICN peuvent alors être ajoutés sur les documents de communication des listes labellisées.

8 – La validation du travail par le CSRPN

Les documents de résultats sont transmis au CSRPN. Celui-ci donne un avis sur le travail réalisé. Sa validation officialise la liste rouge régionale et lui accorde une reconnaissance scientifique et experte. Elle en finalise le processus de labellisation engagé.

9 – La communication et la publication des résultats

La liste rouge régionale doit être rendue publique à l’ensemble des acteurs concernés et au grand public. Un document de communication synthétique doit être réalisé sur la base des recommandations de l’UICN dont le détail est décrit dans le Guide 2012, Annexes 2 et 3, et dans le Guide régional 2012, partie V.

A minima, les informations publiées doivent informer sur les catégories attribuées à chaque espèce évaluée et sur les critères en justifiant l’attribution. Leurs catégories à une échelle supérieure (nationale, européenne ou mondiale) doivent être indiquées afin de mettre en comparaison leurs statuts à différentes échelles. Les tendances d’évolution régionales des effectifs et le pourcentage des effectifs régionaux par rapport aux effectifs nationaux et mondiaux peuvent aussi se voir inscrits dans le document sous réserve que les informations soient disponibles.

Enfin, il est conseillé d’inclure une note de présentation de la démarche et de la méthodologie dans le document.

* Source. Guide pratique pour la réalisation de Listes rouges régionales des espèces menacées. Méthodologie de l’UICN & démarche d’élaboration, UICN Comité français. Seconde édition.

** Groupe fonctionnel : regroupement d’espèces non pas par similitudes phylogénétiques mais en référence au fonctionnement et à la structure des écosystèmes (Tassin J., Gourlet-Fleury S., CIRAD, 2007).